"British Stories", conversations entre le musée du Louvre et des Beaux-Arts de Bordeaux

Huit conversations offrent un point de vue unique sur la richesse et la diversité de l’art d’outre-Manche.

 

Les collections d’art britannique forment au sein du musée des Beaux-Arts de Bordeaux un corpus cohérent d’une trentaine de tableaux, dessins, estampes et sculptures.

 

▶️ DÉCOUVREZ LES GRANDS NOMS DE LA PEINTURE BRITANNIQUE : THOMAS LAWRENCE, JOHN MARTIN, ALLAN RAMSAY, JOSHUA REYNOLDS, GILBERT STUART, JAMES WARD, BENJAMIN WEST OU ENCORE JOHAN ZOFFANY

 

Une part importante de l’exposition est consacrée à l’art du portrait, un genre dans lequel les peintres britanniques excellaient depuis le XVIe siècle. Au XVIIe siècle, le séjour du peintre flamand Anton van Dyck à la cour de Charles Ier d’Angleterre, durant les dix dernières années de sa carrière, fut déterminant dans l’évolution de l’art européen du portrait dont il renouvela les codes (Modello du Double portrait de Charles-Louis de Simmeren et du prince Rupert de Palatinat, neveux du roi, musée des Beaux-Arts, Bordeaux). Parmi ses héritiers les plus célèbres, citons Joshua Reynolds, représenté par son célèbre Master Hare (musée du Louvre) et quelques portraits saisissants (Portrait de Richard Robinson, évêque d’Armagh, musée des Beaux-Arts, Bordeaux).

Ce tour d’horizon du portrait britannique culmine avec le Portrait de John Hunter, par Thomas Lawrence (musée des Beaux-Arts, Bordeaux). Dans le domaine de la peinture d’Histoire, l’exposition réserve une place de choix à des artistes peu représentés dans les collections publiques françaises : James Ward, avec un superbe Baptême du Christ (musée du Louvre), Benjamin West (Phaéton sollicitant la conduite du char d’Apollon, musée du Louvre) et Johan Zoffany (Triomphe de Vénus et Vénus et Adonis, musée des Beaux- Arts, Bordeaux). Notons également que le genre typiquement anglo-saxon de la « conversation piece » (portrait de groupe à caractère narratif) est aussi représenté ainsi que celui du paysage, dominé par le dramatique tableau de John Martin (Macbeth et les trois sorcières, musée des Beaux-Arts, Bordeaux).

C’est donc à un voyage passionnant dans la peinture d’outre-Manche que vous invite le musée des Beaux-Arts de Bordeaux, avec la collaboration exceptionnelle du musée du Louvre, au gré des inventions les plus significatives de générations d’artistes novateurs, curieux et audacieux. Le public n’a que rarement l’occasion d’admirer ces trésors dans leur ensemble.

Dans le cadre de cette Année britannique, le musée des Beaux-Arts de Bordeaux présente deux expositions : British Stories (à la réouverture dès le 19 mai) au musée et Absolutely Bizarre ! (dès juin) à la Galerie, labellisée "Exposition d’intérêt national". Elles mettent à l’honneur la peinture britannique, encore méconnue en France, tout en rendant hommage aux relations historiques entre la Grande-Bretagne et l’Aquitaine.

 

▶️ ZOOM SUR QUELQUES OEUVRES

✔️JOSHUA REYNOLDS



Master Hare, Portrait de Francis Hare (1786-1842) dit Master Hare ou encore Infancy, 1788-1789 Huile sur toile, Paris, musée du Louvre.

Quand il peint cette œuvre à l’extrême fin de sa carrière, Reynolds est conscient de la qualité du portrait du jeune Francis George Hare, âgé a lors d’à peine deux ans. Il fait graver l’œuvre sous le titre Enfance qui accorde ainsi une valeur emblématique à ce chef-d’œuvre de sa maturité. Elle deviendra rapidement célèbre, venant incarner l’image du nouveau regard porté sur l’enfance, développé au XVIIIe siècle. Reynolds a en effet exécuté de nombreux portraits d’enfants au cours de sa brillante carrière où il a su transcrire avec une sensibilité exceptionnelle la personnalité spécifique de ses petits modèles.

Ici, Reynolds adopte une composition particulièrement dynamique en présentant le jeune garçon le doigt dressé et animé par une vive curiosité envers le monde qui l’entoure. La vitalité de l’exécution picturale à larges coups de brosse met en exergue la vivacité de son sujet. Reynolds a, tout au long de sa carrière, développé une technique extrêmement inventive, voire expérimentale au service de ses intentions esthétiques. L’intensité chromatique des roses, des blancs et du bleu violacé qui magnifie la gracieuse silhouette de l’enfant accentue encore la fraîcheur de cette représentation iconique de la jeunesse.

 
✔️ JOHN MARTIN


Macbeth et les trois sorcières, 1849-1851 Huile sur toile, Musée des Beaux-Arts de Bordeaux.

La composition dramatique, le goût pour le surnaturel et la lumière spectaculaire de l’œuvre sont les caractéristiques de la peinture de John Martin. Le musée des Beaux-Arts est le deuxième musée français, après le Louvre, à posséder une œuvre de l’artiste. Dans Macbeth et les trois sorcières, John Martin fait référence à l’œuvre de William Shakespeare (extrait de la scène 3 de l’acte I). Les silhouettes de Macbeth et de Banquo, tous deux alors généraux de l’armé du roi, se dessinent sur un promontoire rocheux, orientés en direction des trois sorcières qui, dans leur apparence diaphane, s’éclipsent et se mêlent aux nuages. En haut à droite, un jet de peinture très fluide zèbre le ciel d’un éclair surnaturel, précédant la disparition des sorcières.

La palette, expressive et particulièrement subtile, confronte des gris violacés à des roses lumineux. Un mouvement circulaire soulève les nuages chargés de pluie tandis qu’un soleil pâle et rose éclaircit la partie supérieure gauche de l’œuvre. Les arbres, quasiment dénudés, ploient sous le vent. L’artiste ajoute aux costumes de Macbeth et de Banquo une armure et de petits boucliers ronds, caractéristiques des armes des hautes terres d’Écosse. Au second plan, on devine la masse de l’armé détaillé par de petites touches de couleurs lumineuses.

 
✔️ ALLAN RAMSAY


Portrait de la comtesse Elisabeth de Salisbury, 1769. Huile sur toile, Musée des Beaux-Arts de Bordeaux.

Allan Ramsay est un homme érudit et un artiste accompli, tant du point de vue littéraire qu’artistique, avec une personnalité polymorphe. Son voyage en Italie, entre 1755 et 1757, lui a permis d’enrichir la porté psychologique de ses portraits et de développer son réseau de sociabilité auprès de la noblesse britannique qui y séjourne. La comtesse Elisabeth de Salisbury (1721-1776) rencontre le peintre à la cour de Georges III où son fils James occupe les fonctions de Lord Chambellan de la Maison du Roi. À mi-corps, la tête tourné vers le côté,le coude appuyé,elle a une attitude naturelle que ne contredisent pas son visage fermé et sa moue désabusée, comme si elle était perdue dans une triste rêverie. Son teint rose et sa blondeur, mis en valeur par un éclairage presque facial, s’harmonisent heureusement avec une toilette raffiné qui témoigne du rang social du modèle – dentelle du châle, du décolleté fermé et des volants des manches. Dans ces années-là, Ramsay affectionne particulièrement ce type d’attitude décontracté et propice à mettre en valeur la somptuosité des vêtements.




▶️ LE SAVIEZ VOUS ?

Le musée des Beaux-Arts de Bordeaux se distingue parmi les musées de région par la qualité de son fonds d’art britannique (peintures, dessins, estampes et sculptures), peu représenté dans les collections publiques françaises.



En savoir plus : http://www.musba-bordeaux.fr


Du mercredi 19 mai au dimanche 19 septembre 2021.


Écoutez Sandra Buratti-Hasan, directrice adjointe du musée des Beaux-Arts de Bordeaux, conservatrice des collections XIXe-XXe siècles.

Interview réalisée par Frédéric Dussarrat