Pour mieux comprendre cette période, qui s’étend de 1700 à 1815, l’accrochage a été repensé en partant des œuvres et de ce qu’elles nous racontent sur l’Homme des Lumières, sur son rapport aux sentiments, au plaisir, à la raison et à l’éducation.
Le XVIIIe siècle est communément compris comme synonyme d’élégance, de frivolité et de superficialité. Toutefois, les peintures et les sculptures révèlent une autre face de la société, non plus limitée au libertinage, mais qui exprime une certaine gravité, une morale et divulguent de grands idéaux.
Le nouvel accrochage depuis le 4 décembre 2021 a été guidé par la diversité de l’art du XVIIIe siècle européen et s’organise désormais en plusieurs espaces thématiques. Deux sections sont dédiées aux écoles anglaise et italienne. La première présente des chefs-d’œuvre de la peinture britannique (Joshua Reynolds, Thomas Lawrence, Allan Ramsay, Benjamin West…) dont le musée peut s’enorgueillir d’avoir une des plus importantes collections en France après celle du Louvre. Ce fonds exceptionnel vient de s’enrichir de deux tableaux de James Northcote, provenant de la collection Forbes, déposés par le Louvre. La seconde section expose quelques-uns des plus beaux tableaux italiens d’Alessandro Magnasco, de Giambattista Pittoni et de Francesco Fontebasso.
Le parcours se déploie ensuite autour de six nouvelles thématiques permettant d’augmenter considérablement le nombre d’œuvres exposées en utilisant davantage la hauteur des cimaises (65 tableaux sont désormais présentés). Un très grand format de Jean-Baptiste Van Loo, Auguste se fait prêter serment de fidélité par des princes barbares permet de comprendre quelles étaient les attentes en matière de peinture de l’Académie royale de peinture et de sculpture à laquelle il appartenait. Un autre grand format de Jean Restout rappelle que la peinture d’histoire était essentiellement cantonnée aux grandes commandes de l’Église. Quelques tableaux de dévotion privée complètent cette section dont le Portrait d’un abbé de Nicolas de Largillière et Un Jeune Pèlerin d’Alexis Grimou.
Alexis Grimou, Un Jeune Pèlerin, 1732. © Photo : F. Deval.
Un autre espace est consacré aux sciences et à l’éducation. Portées par les philosophes des Lumières, ces questions résonnent dans le portrait de la Marquise du Châtelet de Marianne Loir, l’une des plus grandes figures intellectuelles féminines du XVIIIe siècle, ou encore dans la magistrale Leçon de labourage de François-André Vincent, qui illustre un des préceptes prodigués par Rousseau dans l’Émile (1762) sur la nécessité d’apprendre le travail des champs aux enfants de la noblesse. La thématique du sentiment, qui est aux sources du Romantisme, est exaltée dans le Héro et Léandre de Jean-Joseph Taillasson, les têtes d’expression de Jean-Baptiste Greuze et les peintures théâtrales de Pierre-Narcisse Guérin. Les sujets de plaisir, de volupté et de divertissement, qui sont au cœur de l’épanouissement du style rococo, s’illustrent à travers une série de toiles galantes et mythologiques qui, à travers plusieurs épisodes de l’histoire de Vénus, honorent la beauté féminine. Enfin, une section est consacrée à Pierre Lacour, peintre et premier directeur du musée des Beaux-Arts, qui occupa une place centrale dans la vie artistique à Bordeaux pendant quarante ans. Autour du majestueux Port de Bordeaux, des portraits exécutés par ses contemporains, les peintres Perronneau, Lonsing et Wertmüller, sont présentés, donnant ainsi à découvrir une société bordelaise des Lumières raffinée et cosmopolite et à raconter l’histoire de la naissance du musée.
Pierre-Narcisse Guérin, Phèdre et Hippolyte, 1815. © Photo : F. Deval.
En savoir plus : https://www.musba-bordeaux.fr/
Écoutez Stéphanie Trouvé, Responsable des collections XVe-XVIIIe siècle du Musée des Beaux-arts de Bordeaux.
Interview réalisée par Frédéric Dussarrat